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Acolyte

  • Groupe : The Dali Thundering Concept
  • Album : SAVAGES
  • Sortie : 2018
  • Label : Apathia Records, Thundering Production
  • Style : Djent
  • Site Web : www
  • Note: 19/20

Reboot Epique.

Quatre ans après le très percutant Eyes Wide Opium qui dénonçait l’endormissement moral global et consenti face aux forces politiques, médiatiques ou capitalistes en s’ouvrant sur un « fucking wake-up call » (putain d’appel au réveil) The Dali Thundering Concept revient encore plus fort avec SAVAGES. Une nouvelle charge anticapitaliste sur fond de philosophie existentialiste encore plus écrasante mais surtout la véritable concrétisation d’un concept-album à la narration cohérente et qui marque un retour vers une architecture proche de leur premier EP When X met Y. Ses titres portaient alors les noms de mouvements et de périodes dans l’Histoire de l’Art : Primitive Art, Abstract Art, Realism, Surrealism, Futurism etc. C’était un moyen d’évoquer l’Histoire Humaine et ses évolutions à travers les âges. La pochette de ce premier EP soulignait un intérêt particulier du groupe au sujet de la représentation que l’Humain fait de lui-même.

C’est une chose qu’on retrouve aujourd’hui dans leur nouvel album SAVAGES qui reprend donc certains éléments déjà percutants de ces deux précédentes sorties pour en faire une sorte d’aboutissement explosif tout en permettant au chanteur/auteur de mieux organiser sa critique concernant l’humanité en un conte mythologique des plus épiques. Pour être clair les sujets philosophiques et politiques n’ont rien de nouveau chez TDTC, mais le mythe de fin « d’un » monde ajoute une puissante charge spirituelle.

Si vous êtes de ceux qui aiment le wok’n’roll vous serez servis. Du point de vue sonore tout est à peu près similaire à Eyes Wide Opium en terme de puissance, d’efficacité et de précision des morceaux. Ils avaient trouvé leur son ils l’ont gardé est c’est pas plus mal. Leur djent est impérial et agressif. Cependant des interludes et des phases jazzy surprenantes parsèment l’album rendant le son de TDTC plus varié et donc plus accessible qu’auparavant. On appréciera de retrouver l’énergie et la texture très professionnelle de ce groupe au son rudement bien produit. Le riffing est très particulier et toujours groovy, la batterie est exigeante, le chant est agressif à souhait et surtout, il exprime de puissants textes. Nous allons donc nous intéresser à eux et à ce qu’ils racontent. Prenez une grande bouffée d’oxygène et en avant.

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voice of ruin

Magic Fire Music : Bien le bonjour à vous Voice Of Ruin, et chapeau pour ce bel album Morning Wood, chroniqué dans nos pages il y a peu. Et ce n’était pas la première fois par ailleurs. Pour autant nous n’avons jamais souligné votre provenance, vos origines et vos intentions. Comment expliqueriez-vous Voice Of Ruin ?

Olivier: Voice Of Ruin est formé de 5 agriculteurs de houblon de la région genevoise (Suisse) c’est à dire: Randy Bull au chant, Erwin van Fox à la basse, Tony Cock et Nils Bag aux guitares et Oli Dick à la batterie.
Randy:
On s’est formé en 2008 et on a commencé les lives en 2009. Depuis on a plus d’une centaine de shows à notre actif, dont deux tournées (Japon et Russie) et on est en pleine tournée promotionnelle de ce nouvel album qui est sorti en avril 2014 sur Tenacity Music!

Magic Fire Music : En 2011 j’avais eu l’occasion de chroniquer votre précédente livraison éponyme, et en ce temps là les influences que je percevais chez vous étaient plutôt à chercher du côté du hardcore, du brutal death, enfin ça baffait sèchement quoi. Avec Morning Wood même si l’agressivité ne manque pas on sent comme un décalage vers le death mélodique, avec de vraies pauses aériennes, du chant clair, des sons éthérés etc… Pourquoi cette légère réorientation ?

Nils : Après avoir enregistré notre premier album, nous avions déjà dans l’idée de partir vers quelque chose de plus mélodique, et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous avions commencé à chercher un deuxième guitariste direct après la sortie de notre éponyme. Cela faisait un moment que nous voulions évoluer vers un style plus death mélodique/metalcore et la présence de deux guitares était devenue indispensable. Le premier album était un condensé de violence brute qui représentait bien le style à une gratte de l’époque, mais il nous faillait une deuxième guitare pour pouvoir progresser. Le style s’est donc affiné et on n’a pas cherché à sonner comme tel ou tel, c’est venu naturellement. Cependant, je pense que le principal changement par rapport à avant est que nous avons gagné en vitesse et en mélodie, et j’espère que c’est ce que les gens vont retenir.
Erwin :
On écoute beaucoup de styles différents et on a l’avantage de tous s’impliquer dans le processus de création : Chacun apporte ses idées. C’est pour ça que les compos sont plus variées. On essaye de se voir le plus possible entre guitariste/bassiste pour travailler les arrangements d’abord dans ma bergerie et tout mettre en place ensuite avec notre batteur Oli Dick.

Magic Fire Music : Comment s’est passé cet enregistrement et pourquoi le choix du Boss Hog Studio ?

Randy: Alors ça s’est super bien passé, même si on a eu les boules le premier jour quand Oli Coc est tombé dans les escaliers (rires) et en plus il n’avait encore rien bu. On avait deux semaines pour tout enregistrer et on a fini dans les délais sans se presser, c’était donc un bon enregistrement. Mais le plus dur dans le Nord, c’était de surmonter les gueules de bois atroces qu’on attrape régulièrement avec ces satanés bières belges…malheureusement on se fait toujours avoir.
Nils :
Et oui, c’est loin le Nord, mais les frites sont incomparables et la bière excellente. Mis à part cet attrait sans pareil, la principale raison est que notre guitariste lead (Tony) y avait enregistré un album avec son autre groupe (Nevercold), et qu’il nous a fortement recommandé cet endroit. Après un premier essai convaincant durant l’été 2013 pour enregistrer notre single « Cock’n’Bulls », nous nous sommes jeté à l’huile de friture pour ce deuxième album. Ce qui n’a évidemment pas été de tout repos…encore une fois à cause de la bière. De plus il s’agit du premier album enregistré à deux guitares, et avec un style nettement plus travaillé que sur l’éponyme. Au final il me semble que tout c’est bien passé et nous sommes tous très contents du résultat.

Magic Fire Music : Si musicalement vous vous décalez vers quelque chose de plus « poétique » si l’on peut dire, les lyrics et thèmes de vos titres sont toujours aussi décalés et rentre-dedans. Dans ce qui forge Voice Of Ruin il y a aussi cet esprit déjanté. Le Farmer Metal ? Pourquoi ?

Randy: Le Farmer est plutôt un état d’esprit, mais aussi une marque de bière très bon marché et bien répandue en Suisse. C’est la bière avec laquelle nous composons et répétons à défaut de ne pas gagner assez d’argent en labourant des champs, des marques comme Heineken sont donc trop chères pour nous (rires). Mais cette dénomination est aussi née du fait que beaucoup de personnes nous reprochaient par le passé de nous qualifier de thrash alors que nous ne faisions pas du pure thrash ou alors de deathcore alors que notre musique sonnait plutôt death pour certains…bref la fameuse guerre de la qualification du style d’un groupe. Comme nous avions depuis longtemps une idée assez fun de clip (« Cock’n Bulls ») qui mettait en scène le groupe en train de jouer dans une étable avec des vaches, on s’est dit qu’on pouvait se lancer dans un album concept et se qualifier de Farmer Metal et point. Au moins, personne ne pourrait nous reprocher de ne pas être assez rapide pour du thrash ou trop violent pour du metalcore. Maintenant à voir si nous allons continuer dans ce délire pour le prochain disque, car nous avons beaucoup d’imagination et c’est toujours contraignant d’être bloqué dans un univers. Je pense que parfois le chanteur d’Amon Amarth doit regretter son viking metal, surtout lorsqu’il doit écrire ses nouveaux textes (rires). Mais on va garder le côté déjanté dans nos textes et notre imagerie, ça c’est clair.
Nils
: En Suisse, nous aimons nos paysans. C’est pourquoi nous voulions avec cet album leur témoigner notre reconnaissance pour tous les bons produits qu’ils nous fournissent jour après jour. L’idée du « farmer metal » est aussi un moyen pour nous de donner un nom à notre musique sans se prendre la tête, même si nous avons une préférence pour le death mélodique et le groove metal.

Magic Fire Music : Parmi les morceaux présents sur Morning Wood, on note Through The Eyes Of Machete. Et votre merch propose quant à lui un t-shirt Voice Of Ruin super classe avec un de Danny Trejo pas content. Voilà qui m’inspire une drôle de question. Et si Voice Of Ruin organisait son festival de cinéma, on y passerait quoi ?

Randy: Hahaha pas mal cette question. Je pense qu’on y verrait plein de films super différents. Mais ce qui est sûr c’est qu’on profiterait de mettre en avant les films de la boîte de prod de Tony (« Braquemar Prod ») qui fait dans le porno français. Ensuite il y aurait quelques films d’amour choisis par Nils, deux-trois Snuff movies sélectionnés par Olivier, une poignée de films d’horreur et tous les épisodes du Bois de Quat’Sous. Et bien sûr des bons films d’action bien bêtes comme Machete.

Magic Fire Music : J’ai lu que vous seriez bientôt de passage en France et ailleurs en Europe pour défendre ce Morning Wood. Vous pouvez nous en dire plus sur les plans à venir ?

Randy: Alors on vient de commencer cette tournée promotionnelle. On a déjà joué à Montpellier, St-Etienne, Colmar, Flémalle (Bel) et Charleroi (Bel). On a encore une dizaine de shows en Suisse et en France jusqu’à la fin de l’année. Ensuite on a déjà une bonne poignée de dates bookées pour 2015 et on annoncera aussi une ou deux tournées, dont une est en cours de booking. Début 2015 on va aussi sortir deux nouveaux titres et un nouveau clip, peut-être avec un nouveau concept…mais ça vous le découvrirez bientôt.

Magic Fire Music : Merci à vous d’avoir répondu à ces quelques questions. Je vous souhaite bien du plaisir sur les routes pour défendre votre brillant album « Morning Wood » dispo chez Tenacity Music ! Traditionnelle non-question de fin : l’occasion pour vous de passer un coucou, de recommander un sextoy, de placer un big up, nous raconter une histoire ? Bon vent les gars !

Randy: Tout d’abord un grand merci à toi et toute l’équipe de Magic Fire Music pour le soutien. Big up aux fans et au public qui viennent nous voir en concert, qui achètent notre merch ou qui passent tout simplement boire une (ou plusieurs) bières avec nous après les shows. C’est avant tout pour ça qu’on fait de la musique, pour le contact humain (et la bière). Sinon pour la recommandation de sextoy, je vous recommande le site de Tony: Braquemar Prod!

EYESWDEOOPUM

  • Groupe : The Dali Thundering Concept
  • Album : Eyes Wide Opium
  • Sortie : 19 Octobre 2014
  • Label : Autoproduction
  • Style : Mathcore / Djent
  • Site Web : www
  • Note : 18/20 

 

 


Lorsqu’il m’a proposé de chroniquer leur nouveau bébé, l’un des géniteurs de ce Eyes Wide Opium le savait très bien, le djent et moi, ça fait deux. Je n’ai jamais été fan de ces saletés de cymbales inversées qui annoncent toujours les mêmes breaks uniformes balancés en position gastro. Je me demande parfois s’ils se donnent des conseils pour pas trouer leur fûtes. Oui, vraiment, venant d’un amour des sons crades, élevé aux amis amateurs de hardcore oldschool, totalement amoureux du shoegaze post-machin, pas simple d’accepter autant de propreté. Mais comme d’hab’, force est de constater que dans tous les genres musicaux, tiroirs inutiles, ceux qui font bien leur truc ouvrent souvent les portes d’univers étendus.

Découvrir The Dali Thundering Concept après des années d’abstinence djentuelle, c’était plutôt une bonne idée. A mes yeux le djent est un style musical dans lequel les musiciens comptent autant que les ingénieurs du son, voir moins. La technique tente de s’élever au rang de l’art. Et lorsque les musiciens sont aussi les ingés, ça donne forcément quelque chose de « total ». En écoutant cet album, je ne fais que partiellement attention aux idées musicales, à la gestation mélodique si je puis dire.

Impossible de se faire une image des gars sur scène, puisque direct on se dit « effet studio », « ils peuvent pas reproduire ça pareil en live » etc. Par contre, aisé de penser les gars assis sur les banquettes de leur studio chacun un casque rivé sur les oreilles à débattre pendant des heures du niveau sonore que mérite un effet d’un centième de seconde. Tout ça pendant deux ans. C’est là que je pige le délire, en tous cas le leur, d’un coup d’un seul. C’est un peu la renaissance, mais en musique. La propreté, la perfection, le travail bien fait, c’est tout ce qui compte. Les autodidactes comme moi qui préfèrent l’honnêteté du gribouillage peuvent bien aller se rhabiller.

Une fois qu’on a compris cet enjeu, on peut s’ouvrir à tout l’album. Et comprendre les thèmes qui y sont associés. Une fois qu’on a passé cette barrière on pense au(x) cerveau(x) de ces types. Mais bordel les mecs, d’habitude c’est pas dans une discographie entière qu’on fourni autant d’efforts ? Là ça tartine de partout, sans jamais taper dans le rouge, et sans perdre de puissance. Et ça se permet des passages purement Dillingiesques, des envolées de chant clair dignes des mixs de Radio FG, de l’interlude au piano et des samples en veux-tu en voilà… Le gros avantage de cette musique de studio étant qu’on met l’accent sur l’élément que l’on souhaite au moment où on le souhaite en se foutant totalement d’une cohérence humanisante ; on ne cherche pas à reproduire l’atmosphère d’une pièce, on ne situe rien dans un espace scénique, on va bien au delà. Un gros grind sur cymbale ride et hop, la ride envahit les esgourdes pour souligner toute la violence du geste.

Elles sont bien là les f*cking cymbales inversées. Et dès les premières secondes, dès le premier gros break. Alors forcément à la première écoute j’ai craché ma haine d’ignare à la condamnation facile. Au bout du sixième titre, je n’y prête plus attention, la cymbale inversée, c’est limite un instrument en soi, mais un instrument au summum du virtuel. Grand plaisir qui me change de mes précédentes chroniques, impossible d’identifier un logiciel aux presets génériques et peu maniables. Ces geeks qui ont fait des études pour le devenir se sont vraiment pris la tête. La profondeur abyssale d’un bon tom basse pour annoncer le breakdown, quelle gaule. Aucune cymbale inversée ne vaut ça. (Héhé).

Aux guitares nouveau paradoxe entre la dextérité et des sonorités surexploitées à mon goût. En s’attachant à la virtuosité des musiciens, on repère les techniques d’autistes géniaux qui refusent de délaisser la moindre corde. C’est beau, impressionnant. La vitesse d’exécution colle une sacrée trempe, autant de subtilités à la seconde, respect. Mais du point de vue des textures, je condamne ce djent, je n’y peux rien. Exactement le même travers que l’électro dubstep qui sort tout le temps la même snare au ton beatbox pour accompagner le synthé de David Ghetta ; je ne sais pas me l’expliquer, pour faire du djent, il semble invariable d’approcher certaines textures et pas d’autres. Toujours la même sonorité qui semble jouer sur l’opposition entre la chaleur d’un accordage extrêmement bas et la platitude d’un son numérique tout compressé. Ca gagne en clarté, c’est propre, mais je ne peux pas m’empêcher d’imaginer Animal As Leaders ou autres Meshuggah. Bon ou mauvais point, ce sera selon l’auditeur. Pour moi ce n’est pas dramatique, mais c’est tout de même dommage de constater que toute la scène djent bosse très dur pour des rendus aussi similaires. Vous me direz, les mélomanes jouent sur du Fender, les hipsters ont un Orange et les violents veulent leur 5150. Au final, je me rends compte que le problème va plus loin que le djent à lui seul. Les guitaristes semblent juste prisonniers du hardware qu’on associe au style qu’ils entendent pratiquer…(?). Les sons cleans quant à eux sont saupoudrés de delay, ce que j’aime, et les textures aériennes ont comme un air de caraïbes. Voilà qui renforce l’aspect mystique de l’ensemble, le temps est comme suspendu durant ces cassures qui apaisent. Sur le morceau Phoenix, vous pouvez constater vous mêmes ces spécificités…et vous prendre la grosse baffe de l’album selon moi.

A la voix, énorme puissance des cris, toute virtuelle elle aussi, le souffle est particulièrement important mais oui roh, j’ai compris, c’est une musique de technicien ingénieur okay. Alors ça roule, j’aime ça. Seul gros bémol sur lequel je ne peux pas passer, la prononciation anglaise qui dès l’introduction rebute un peu. C’est classe l’english, et ça offre une portée universelle à ce grand message qu’est Eyes Wide Opium, mais cet accent simulé, je ne m’y habitue pas. Lors des crises de nerfs du hurleur, ça ne pose aucun souci. Sur les phases Radio FG (excusez mon humour) non plus. Mais réellement, le spoken word souffre pas mal de ce qui dès l’entrée donne un côté « on se donne un genre qui n’est pas le nôtre ». En clair, on est français mais on veut faire croire qu’on débarque d’une autre planète. Avec autant de dextérité, d’efficacité, de perfection, c’est assez amusant de remarquer que le plus humain des sons fait intrus, ne peut pas offrir la finition aseptique d’un logiciel.

Pour la forme sonore je résumerai ainsi en vous balançant ma thèse : pour un travail bien fait, il faut aller aux limites qu’offre un genre, en l’occurrence, le djent-mathcore-schizophrénique. Ca passe par le studio, et rien que le studio. A ce titre, The Dali Thundering Concept offre une leçon de technique qui ne peut laisser personne insensible. Pas même moi, qui me prosterne humblement face à tant de boulot. Je ne suis pas amateur de ces sonorités, mais ils m’ouvrent à elles grâce à cette propreté qui fait qu’on entend tout, qu’on se sent dorloté, bénéficiaires d’un véritable souci du détail. Comment ne pas remarquer le professionnalisme de ces musiciengénieurs ? Ces limites qu’ils atteignent sont probablement ce qui me dérange le plus. Impatient de voir évoluer cette scène, j’appelle de mes vœux le jour où ce virtuel offrira un véritable espace aux violons réellement frottés, aux accordéons, aux triangles, peu importe. Tapez un feat avec Bjork. Comment ces instruments pourront-ils se faire une place dans ces nappes de puissance ? C’est toute la question, et si j’ose dire, tout le défi, pour brasser un public plus large, sortir des codes et de la technique reine. Eyes Wide Opium ? L’efficacité, la finition. L’innovation, c’est elle que j’espère pour les prochains titres, pour ce qui concerne ces textures. Au sens le plus artisanal et manuel, je l’ai dit à mes amis musiciens au lendemain de ma première écoute : ces mecs vont mettre une tarte à beaucoup de gens. C’est donc plutôt positif, je tire mon chapeau à ces mecs qui chatouillent les limites de leur genre et qui m’ont terrassé les oreilles en m’offrant de mieux confirmer que oui, le djent, c’est un truc technique par essence.

Parlons maintenant de sens puisque nous parlons bien d’un album sous forme de message, et commençons par le titre.

En 1998, Kubrick livrait son film le plus mystérieux, Eyes Wide Shut (les yeux grands fermés). Peuplé de signes et de références occultes, il déroulait le tapis rouge à ce que les années 90 puis 2000 allaient réveiller via internet : la croyance en un gigantesque complot par la puissance de l’argent et des médias, visant à réformer l’humanité, la pousser à consommer tout ce qui jusqu’ici était considéré comme hérétique. Le sexe, la drogue, les distractions, la vanité…surtout la vanité. En ce temps là, on posait les jalons d’une chasse aux secrets tout en estimant que les sociétés secrètes faisaient leur œuvre patiemment tapies dans l’ombre. Pour occuper ces moutons, donnons leur du pain et des jeux. En 2014, The Dali Thundering Concept propose un constat sombre et réaliste, à l’image de beaucoup de groupes et d’artistes indés (puisque les artistes mainstream seraient de ce complot abrutissant) : le monde va mal, les humains partent en vrille, plus rien ne les intéresse à part un rêve photoshopé. Le pain vient à manquer, mais tant qu’on a les jeux, et la possibilité de faire un selfie, on a le temps de penser futile. Eyes Wide Opium. Plus question d’avoir les yeux grands fermés, de passer à côté de ce nouvel ordre des choses. On les ouvre à nouveaux, et on se trouve bien cons, collés à un miroir. Comme si cette manipulation avait donné un résultat ; notre monde actuel.

Dès l’introduction, pas de pitié, on va s’énerver. « They’ve fucked us for far too long (…) This is a wake up fucking call ». On va le briser ce miroir. En soi, le thème n’est pas bien révolutionnaire à mes yeux. Fuck the american dream, on l’a pratiqué du côté coreux depuis quelques années. Mais ce qui est nouveau pour moi c’est ce mariage entre le djent de la toute puissance numérique, et le thème d’une époque qui justement déshumanise au possible. «You only obey and believe You only worship the words of the fucking screen». C’est pas faux les gars, mais vous le dites quand même en 1080p. Première révélation, Eyes Wide Opium c’est un peu une guerre contre la modernité avec ses propres armes.

Les lyrics évoquent donc notre temps en cherchant à l’expliquer. Nous sommes les enfants de la crise, et pour supporter ce monde qui s’écroule, le rêve passe par la consommation frénétique. Nous devenons les pères d’une sainte colère, d’un réveil qui sera brutal. A l’issu de tout l’album j’en ai retenu que finalement, nous sabotons notre intelligence afin de ne pas être limpides quant à tout ce que nous avons gâché. Plutôt que de remarquer que nous n’avons plus le choix en prenant des anti-dépresseurs, amusons nous avec des drogues aux effets similaires, créons l’illusion du libre arbitre. Qu’importe le flacon… «At some point we must embrace remorse rather than regrets Wake up and choose what this world will be Because until now we’ve just been standing here, Eyes wide opium». Effectivement, Eyes Wide Opium est un appel au réveil. User des armes de la modernité afin d’alerter sur la déshumanisation et le décervelage généralisé, c’est vraiment bon. Les références à Alice tombée au fond du trou, à ceux qui lisent la Bible en oubliant d’écrire leur propre histoire, tout cela fera mouche auprès des auditeurs, en tous cas, on peut l’espérer. Encore faudra-t-il accorder aux lyrics une lecture attentive.

Néamoins, un dernier élément me dérange, et n’est pas propre à ce groupe et cet album uniquement. Dans la musique metal, il s’agit souvent de tirer des constats sur l’humanité toute perdue. Malheureusement à mon goût, cela passe trop souvent par le «you». Vous êtes des moutons, vous êtes endormis, vos yeux sont pleins d’opium etc. Beaucoup de groupes, y compris le mien, pensent réveiller l’humanité, provoquer la révolte mais aussi l’espoir, dans un mouvement collectif qui serait notre salut. Cependant, la masse d’auteurs qui parlent du monde et de son état le font quasiment tous en ne s’incluant que rarement à l’humanité qu’ils voudraient rassembler, soulignant aux auditeurs dans quelle merde ils s’enfoncent. L’explication la plus viable, c’est qu’en terme de puissance de la colère, cracher sur le monde est bien plus efficace que de pleurer avec lui. S’inclure dans la masse moutonneuse serait peut-être déplacé, d’où parlerions-nous ? Ultime paradoxe donc ; comment sauver le monde, provoquer son réveil, si l’on ne passe que par sa condamnation définitive ? Un mec dans le rap s’est confronté à cette problématique un peu comme le fait The Dali Thundering Concept : Orelsan. Sur Perdu d’avance, treize titres le placent au dessus de nous tous, puis un quatorzième vient expliquer qu’en réalité, il est une merde comme nous autres. «Ok stop, I’m done spitting this raw truth at your faces I despise this system but I’m part of it», ainsi se décrit le brailleur en définitive. Je vous pointe du doigt, mais au final vous pourriez en faire autant. Paradoxal Wide Paradoxes. Quitte à mépriser notre temps, autant le faire jusqu’au bout. Mais, c’est une question de goût.

Comment passera le message alors ? Dénoncer la modernité avec les plus virtuels des procédés, et amuser un public de sauvageons qui se taperont dessus pour leur dire à quel point il est à l’ouest, quelle efficacité cela aura-t-il ? A vrai dire, le public sera libre et responsable de son écoute. S’il fait l’économie de la lecture de ces lyrics d’importance, peut-être ne comprendra-t-il rien à la portée du message offert par Eyes Wide Opium, et il moulinera dans la fosse complètement bourré sans comprendre pourquoi ces musiciens ont choisi la brutalité. Je le répète, c’est un souci qui n’est pas propre à ce groupe et qui dépend beaucoup de l’auditeur.Le fait de soulever cette question est à mettre au crédit de cet album.

Conclusion véritable : Eyes Wide Opium est un paradoxe qui se tient. Dans ses fondements, il propose un message qui serait caché à l’image de celui du film de Kubrick. Caché par l’usage même des techniques modernes responsables du décervelage par les distractions. Le génie du cinéma lui aussi voulait alerter avec ses pédobears illuminatis, tout en propulsant son message par le biais du cinéma, medium collectif par essence. Certains se sont endormis ne parvenant pas à suivre les déambulations de Tom Cruise et de sa fausse frigide de compagne. D’autres, comme l’illustre Michel Ciment (cadeau), ont tout de suite voulu comprendre ce qui se cachait dans le décor en le prenant au sérieux. Pour Eyes Wide Opium, il y aura sans doute aussi deux types d’auditeurs. Ceux qui prendront le plaisir en secouant la tête pour mieux la vider, moutons non-condamnables et ceux qui iront lire les lyrics, s’interroger sur le sens de cette oeuvre qui trouve sa cohérence dans ce mot qui lui colle vraiment : le paradoxe. Selon moi l’aspect purement musical prend son ampleur à la lumière du message délivré. Sans comprendre cette cohésion de fond et de forme, l’album perd de sa saveur et se range dans un tiroir avec les autres productions du genre. Le caractère djent, moderniste et virtuel, il est intéressant pour servir de support à un propos sur l’époque. En frôlant les limites techniques et en proposant cette réflexion, il s’élève nettement au dessus du lot, passe vraiment du simple album de musique à l’oeuvre d’art complète, qui offre des pistes de réflexion.

C’est bien pour ça que je vous ai fait manger cinq mille paragraphes et que j’ai voulu chroniquer cet album en allant relativement loin. Il mérite d’être considéré comme un tout, une démarche. Dire qu’il s’agit d’un album-concept, c’est la moindre des choses. Soutenir qu’il s’agit d’une oeuvre d’art plus que d’un simple album de musique qui suivrait une mode, ça se défend aussi, et ce malgré tous ces éléments qui me dérangent parfois. Voilà pourquoi j’ai pris un vrai plaisir à découvrir cet album, et voilà pourquoi je vous incite à l’écouter autant qu’à le lire, car ces deux facettes se complètent, se renforcent mutuellement. Eyes Wide Opium n’est pas surréaliste comme le laisserait supposer le nom dalinnien du groupe qui en est l’auteur, il est typiquement contemporain, le reflet d’une époque technique et morale.

Mention spéciale : Phoenix. Le morceau le plus efficace à mon goût, à écouter en photoshoped dreamed 1080p.


 
Tracklist :
01. Prolegomena
02. White rabbit
03. Mesmer Eyes
04. Damocles
05. Sons of Crysis
06. Phoenix
07. Bread games and Narcolepsy
08. Fathers of rage
09. Burdened by the end
10. Behind the fur
11. Beyond Mirrors
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

  • Groupe : Voice Of Ruin
  • Album : Morning Wood
  • Sortie : 2014
  • Label : Tenacity Music
  • Style : Deathcore Mélodique
  • Site Web : www
  • Note : 18/20

 

 


En 2011 je posais des mots sur mon écoute de Voice Of Ruin, album éponyme d’un groupe qui était sorti chez Heimathome Records. Et d’entrée j’évoquais la pêche de ce groupe . Mince, je comptais justement placer ce mot là dans le début de ma chronique de cette suite, Morning Wood qui lui sort chez Tenacity Music. Boaf’, pas grave, après tout il y a tout de même énormément de changement à annoncer.

Et oui, à mon sens c’est plutôt flagrant, le son de Voice Of Ruin a gagné en clarté. Du côté du mixage et des textures, c’est sur la batterie que le changement paraît le plus flagrant. Loin de la caisse claire fracassante et de la brutalité bestiale d’influences très core-éennes des textures d’antan, c’est une énorme phase death qui enveloppe cet album, et une batterie bien plus en retrait mais pour autant plus audible. Avec une nouvelle place de choix pour des guitares qui dès l’introduction nous cueillent avec des jolies harmonies.

D’ailleurs, le premier titre envoie presque sur une fausse piste, je m’attendais à tout sauf une vraie brutalité pendant les premières secondes, mais plus à une nouvelle passion pour le shred et tout ce qui sonorise un épisode des Power Rangers. Mais non m’sieurs dames, rien n’a changé en ce qui concerne la pêche évoquée plus haut. Le chant continue de s’érailler, sur de longs plans hyper nerveux. Blast, cri, growl, cri. Ah tiens, re-phase death mélodique.

Les guitares sont toujours aussi techniques, entraînantes et énergiques. Ca découpe. Finalement c’est vraiment la batterie et sa nouvelle texture qui change le plus la donne à mes oreilles. Et tiens, enregistré au Boss Hog Studio. Encore un nom qui revient souvent dans mes chroniques.

Du chant clair vient diversifier les intentions, des ambiances se posent tour à tour et jamais ça ne manque d’énergie, le véritable point fort de ce groupe selon moi. Ces changements seront-ils bien accueillis par les amateurs de sonorités plus proches du premier ? Oui, j’en suis convaincu. Le côté Power Rangers que j’évoque plus haut en déconnant, il n’existe pas sur cet album. Ils créent l’exploit d’en coller partout, de faire du mélodique très speed à deux guitares qui flirtent sans jamais tomber dans le riff facile, ce n’est pas une cuite au Dragonforce, tout est mesuré. La patate qu’ils ont et la façon dont le tout s’enchaîne aide aussi à donner cette crédibilité en béton à leur identité sonore.

En bref, un très bon death mélodique très speed et énergique venant de Suisse, et oui ; pays qui a vu naître nombre de groupes vers lesquels tourner ses esgourdes. Une évolution impressionnante avec d’énormes changements pour plus de propreté, moins de phases délirantes et plus de dextérité, même si à en croire les titres, les lyrics sont peut-être parfois gratinées. Non vraiment, gros kick dans la face qui va finir de placer ce groupe de Horny Farmer Metal parmi les plus immanquables du paysage sonore.

Petite mention pour la Big Dick bien hardcore, c’est vrai qu’elle est massive.

 


 

Tracklist:
01. Welcome To The Stud Farm
02. Party Hard
03. Through The Eyes Of Machete
04. Day Of Rage
05. The Rise Of Nothing
06. Morning Wood
07. Viols Désinvoltes
08. Cock’n’Bulls
09. Today Will End
10. Sex For Free
11. Big Dick
12. Dirty

 

  • Groupe : Noein
  • Album : Infection – Erasure – Replacement
  • Sortie : 2013
  • Label : Klonosphère
  • Style : Deathmetal
  • Site Web : www
  • Note : 18/20

 

 


Lorsque je chroniquais leur EP The Initial Tale  sorti en 2009, l’introduction me poussait à divaguer et à raconter l’ambiance, une usine crade qui fabrique de l’apocalypse, dans laquelle on prend son poste pour entendre chanter les machines, les robots, nouveaux maîtres d’un monde déshumanisé…brrrr.

Et bien une nouvelle fois, l’introduction met dans le bain. On se croirait dans un film. D’abord le vent qui souffle, plaine désertique, ou vieux New-York en miettes. On s’attend à voir débarquer des morts-vivants. Et *bam* petite guitare au loin, bien perchée, delay et côté épique. Un héros sort de l’usine, au ralenti, c’est un peu l’instant John Woo.

Non franchement ça fout dedans. On retrouve bien le côté concept aux origines de Noein. Et quand les guitares prennent toute leur place, c’est nerveux. Gros son à tous les étages, et rythmiques monstrueuses. On remarque tout de suite le travail opéré par le studio, Deviant Lab. C’est massif.

Le morceau Born To Resist propose quant à lui un feat vraiment sympa avec KK, hurleur de Trepalium. Puis, Infection. Cet album s’intitule Infection-Erasure-Replacement. Ces trois étapes sont trois interludes sur l’album. Comme les étapes qui marquent l’histoire d’un robot humanoïde, ou de l’humanité toute entière. Il est infecté, supprimé, remplacé. Le tout avec des sons très musicaux mais qui dépeignent encore une fois une ambiance quasi cinématographique. La grosse tarte à mosh pit qui clôture l’album s’intitule d’ailleurs The End.

Tout au long de mon écoute, des grosses phases. Sur le son des guitares et le travail de Deviant Lab impressionnant, sur les cris de Jenni, infatigable. Et bien entendu sur la batterie qui réserve de jolis moments de dextérité, à ce titre, et même si le premier opus tartinait déjà grave, on sent un percussionniste qui se décomplexe de plus en plus, et visiblement ne sent plus ses jambes, déshumanisées elles aussi.

En bref, tout se tient mieux que jamais pour Noein. Cet album prend sa place en pleine filiation du premier en propulsant le concept encore plus loin puisqu’il ne s’agit plus d’un EP. Avec la présence de ces interludes immersifs, de cette introduction et du morceau de fin, on entre et on sort d’un nouvel épisode. Plus long, et même plus sombre que le premier.

Acolyte

« C’est un univers qui colle avec la musique qu’on joue, et on a voulu assez vite écrire dessus pour faire un tout cohérent, pas seulement des chansons l’une à la suite de l’autre. On essaie de se forger une identité quoi ! » (Interview MFM 2010)


Tracklist:
01. I-E-R
02 Liars’ Dream
03. Born To Resist
04. Infection
05. The Hand
06. Human Update
07. Erasure
08. D-Mox
09. Destroyed By Fear
10. Will Live
11. Replacement
12. Nick Of Time
13. The End

Le festival rock fut bien entendu l’occasion de voir plus d’un artiste et de goûter aux spécialités les plus variées du rock actuel. En faire un report intégral était une idée, mais la pluie en a décidé autrement, et nos vêtements trempés aussi. Du coup, Massive Attack : loupé. Superdiscount 3 de Etienne de Crecy : loupé… Bon ok, c’est pas très rock tout ça, mais ça balance autant. Vus par contre, The Dillinger Escape Plan. Pour le coup si j’ai fini trempé c’est de ma faute uniquement. Et si je n’ai plus de lunettes et que je plisse les yeux en écrivant, là c’est de la leur. Mais merde, j’en avais rêvé moi de m’allonger dans l’herbe à côté des potes en écoutant Massive, les yeux dans les nuages… Mais non. Restons sobres, soyons straight, soyons…enfin soyez.

Primal Age RDTSE2014

Je me penche sur Primal Age. Pourquoi ? Parce que ce sont sûrement eux qui survivent le mieux à la lente dissolution de la scène hardcore ébroïcienne-normande, tout comme au poids des années. Il m’aura suffit d’en discuter avec l’un des As We Bleed (qui ont splité il y a quelques mois après quinze années de moulinage) pour prendre la température et entendre dire que Evreux se transforme en cimetière culturel. Et malgré les quelques locomotives qui traînent à droite à gauche, la relève peine à se faire entendre en Haute-Normandie. Once d’espoir quand même, Rouen se bouge paraît-il, les bars rouvrent petit à petit et les groupes se multiplient. Mais Evreux de mon cœur, tu deviens méprisable, toi et tes projets de KFC, tes rideaux invariablement baissés.

Alors forcément, pour le public du coin, c’était un peu l’événement. Dix ans que les gros (oui, ça se discute) de Primal Age espéraient gravir la scène du RDTSE. Ils en auront mangé de la scène avant de pouvoir faire la plus belle de leur propre localité. Et de la scène de choix ! Super Bowl Of Hardcore, Hellfest, Bloodaxe de Tokyo… Un peu partout dans le monde, les sniffeurs de carottes rapées (private joke) entendent parler de cette référence normande. Car effectivement, en plus de transporter avec eux quelques uns des riffs les plus ravageurs du genre, ils amènent également un propos très sérieux dans leurs bagages : protection animale et besoin impératif de changer notre alimentation pour plus de nature et moins d’industrie.

Néanmoins, leurs intimes convictions prennent moins le pas sur la musique qu’auparavant. Et à mes yeux, c’est agréable. Désormais le frontman Didier multiplie les messages qui soulignent l’importance des sourires, de la bonne humeur et du partage. Il parle bien de ses causes, mais effectivement, coup d’oeil à gauche, coup d’oeil à droite ; tout le monde s’éclate, tout le monde apprécie. La violence de leur musique se voit parfaitement contrastée par leur attitude positive, et les voilà qui contribuent à promouvoir la paix, à souligner le bon côté des choses. Je pense très personnellement que notre époque les remerciera. La folie humaine que soulignaient les groupes underground des 90’s, elle s’affiche désormais sur tous les écrans mainstream. Il ne reste plus grand monde dans la musique dite violente pour rappeler qu’on peut aussi apprécier autrui, se rendre compte qu’il n’est pas une télévision et qu’il a peut-être un peu de matière grise, en gros, pour prendre le contre-pied de temps profondément troubles qui disent littéralement : qu’est-ce qu’on est merdique quand on est un humain.

Alors les voir sauter partout et donner tout de leur personne, cela résonne comme un message d’espoir scénique. Façon « ne vous inquiétez pas, il existe d’autres choses à souligner que les mauvaises ». En tous cas je l’ai pris comme ça. On pouvait aussi déceler cette émotion qui les a traversés, du fait de cette scène, pas objectivement mythique mais importante à leurs yeux. Voilà que leur « hometown » leur rend hommage, en leur servant un public échaudé quelques instants plus tôt par la prestation épileptique de la légende Dillinger. Et en leur offrant, soulignons-le, deux passages au Rock. L’un le vendredi, l’autre le samedi, double-péné sur la Gonzo. La pluie ? Osef, elle n’a éloigné personne. Certains mêmes prenaient leur pied à se jeter dans la boue.

Du côté de la setlist, du solide. Blinded By Cruelty, Innocence (ze tube à écouter), A Fire Consumes My Heart… Ils ont donné les titres les plus emblématiques de leur réussite, et le public a répondu présent. Guitare à la main et pied sur le retour, Misty « la pute » a pu s’en donner à cœur joie avec ses riffs tranchants (un jour on utilisera d’autres adjectifs, promis) et son poing levé. Au premier jour, le frappeur fut pour sa part remplacé par un ami d’une autre formation reconnue dont je n’ai pu saisir le nom (?). Très efficace, il a amené quelques variations sans doute involontaires mais intéressantes, sans jamais dénaturer l’esprit Primal Age. Au lendemain, Mehdi retrouvait sa paire (de baguettes) et nous pouvions reconnaître son sens pointu du roulement furtif, du blast intransigeant. Dimitri, toujours impérial avec sa basse, et Didier, frontman rebondissant sur qui semblent glisser les années. Le collectif a trouvé son anti-âge naturel : la passion de la musique, et comme ils l’ont souligné, de la scène, de l’échange avec un public positif, souriant.

Je me souviens avec émotion de ma première rencontre avec certains de ces gars. En ce temps-là, ils officiaient dans un side project, Absone, qui fut ma première baffe hardcore-metal. Nerveusement j’avais ri face à leur pile de flyers pour la cause animale. Dimitri qui ne s’en souvient sans doute pas, m’avait alors fusillé du regard, assis sur sa chaise et bras croisés « Moi je trouve pas ça drôle. »

Je me disais, du haut de mes 14-15 piges « Ah bah p*tain, ils font pas semblant d’être bourrins ». Je n’avais rien pigé à la culture StraightEdge, j’en ignorais même l’existence. Dans ma tête, on n’associait pas spectacle musical et revendications affichées, pas à ce point du moins. Des années plus tard me voici au Rock, et j’apprécie personnellement que la cause puisse passer par une attitude positive et l’envie d’inspirer les gens, plutôt que par l’affichage d’images à vomir. C’est une marotte personnelle, difficile de comprendre comment on bonifiera l’humain à coups d’images choc et de traînées de sang. Pour moi, on va lentement habituer les gens à la barbarie, qui dès lors n’en auront plus rien à secouer ou se sentiront assaillis par une communauté d’esprit à laquelle ils n’appartiennent pas. Néanmoins, je respecte et même j’admire ceux qui par le biais de leurs tribunes rappellent que les animaux ne méritent pas ce qu’on leur fait subir au nom de la recherche cosmétique, pharmaceutique, ou bien encore par simple plaisir sadique.

Je ne pouvais pas faire l’impasse sur leurs convictions tant elles sont aux fondements de leur motivation. Chacun interprète et accueille comme il le veut ces messages, et chacun fait ce qu’il peut pour contribuer à l’amélioration des choses. Au passage, partager des vidéos de chatons aplatis sur facebook ne vaut pas un don à l’ALF ou Peta. Délestez-vous de quelques euros, ne vous surchargez pas d’images proprement malsaines, ou bien faites passer le message en informant vos proches, vos amis. Et toujours avec le sourire, l’espoir de faire changer les choses ; ce que m’a donné ce groupe l’espace de deux shows excellentissimes.

Alors voilà. En guise de live report c’est un hommage personnel, une vibration intérieure que je voulais coucher sur l’écran. A plusieurs niveaux, Primal Age est un symbole. Ils prouvent que l’indépendance paye en émotions ceux qui vivent d’une passion et non d’un business. D’une certaine façon, ils sont riches. Que la culture au service d’améliorations, c’est une idée qui a déjà fait son chemin, et qu’il serait bon de reprendre, toutes proportions gardées, sans ostracisme politique. Ils prouvent aussi que la musique n’a pas de frontières, en préparant après le Japon une tournée en Amérique du Sud, sans doute avec leurs amis de Mostomalta avec qui ils ont sorti un split à recommander. Ils y défendront un nouvel EP en préparation, et donc non, à ceux qui se posaient discrètement la question depuis des mois : Primal Age est toujours là et n’envisage pas encore de finir à l’hospice. Ils n’ont pas fini de rebondir, et pour Evreux, pour le hardcore metal français et tous ceux qui partagent les convictions de ces mecs, c’est important de le souligner, de le saluer, de l’encourager.

Au passage, un gros boujou à ces artistes qui ont tenu à rendre hommage aux intermittents. Le spectacle est une famille, et sans les intermittents, pas de concert, pas de culture.

Primal Age ont carrément interrompu leur premier set durant quelques secondes pour accueillir sur scène certains d’entre eux. En ligne, des croix de gaffer dans le dos, ils ont simplement montré qu’ils étaient là, comme des cibles, sans jamais pénaliser le public, sans jamais gâcher la fête. Plaisir de s’avancer vers le premier rang et d’applaudir bruyamment cette autre démarche d’importance. Croyez-moi, ils ont besoin d’être soutenus par d’autres que les artistes aussi. Par tous ceux qui en France à l’heure actuelle se rendent compte dans quel coulis de chiasse on enrobe le « droit du travail », tous secteurs confondus.

Au milieu de cette jolie fête qu’est le Rock, Primal Age a tiré son épingle et prouvé sa valeur une fois de plus. Ils repartent sur les routes pour représenter la Normandie, provoquer des sourires et de joyeux circle-pits. Avec vingt piges dans le buffet, et toujours autant de motivation, si ce n’est plus grâce à cette date qui leur a percuté le palpitant, ils continuent de faire bouger les têtes tout en les remplissant intelligemment.

EXTRAIT DU LIVE EN VIDEO

Chapeau et merci.